Par Hadrien Brachet 13/09/2022 © Marianne
C’était l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron. Le président de la République sera ce 13 septembre en déplacement dans un lycée professionnel des Sables d’Olonne (Vendée) pour évoquer sa réforme de la voie pro. « Un chantier essentiel » selon l’Élysée, déjà sous le feu des syndicats de l’Éducation nationale qui s’inquiètent d’ « une menace forte pour l’avenir des lycées professionnels ».
Le 25 août, devant les recteurs réunis à la Sorbonne, Emmanuel Macron plaidait pour une « transformation profonde » du lycée pro afin de le « réarrimer très en profondeur et en amont avec le monde du travail ». Du côté de l’Élysée, on annonce une « réforme plus structurelle » que celle menée par Jean-Michel Blanquer au cours du précédent quinquennat qui faisait (entre autres) fusionner certains enseignements généraux et professionnels au cours d’heures de « co-intervention ».
Améliorer l’insertion professionnelle
Fraîchement nommée, Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la formation professionnels, aura à charge de piloter le projet. Objectifs : renforcer « l’attractivité » du lycée pro mais aussi faciliter l’insertion dans le monde du travail ou la poursuite d’études des élèves de la voie pro. Car selon une note d’information parue en juin dernier, seulement 41 % des élèves sortis d’un CAP en 2019 et 53 % de ceux issus d’un bac pro étaient en emploi salarié deux ans après leur fin d’études.
Pour améliorer l’insertion professionnelle des élèves, le président veut augmenter de 50 % à partir de la rentrée prochaine leur temps passé en entreprise. Des périodes en milieu professionnel dont l’État prendrait en charge la gratification. L’exécutif souhaite également développer l’apprentissage et travailler sur la carte des formations pour « qu’elles correspondent mieux aux besoins des professionnels ».
Des pistes aux modalités d’application encore floues. Les syndicats craignent que l’augmentation des temps de formation en entreprise se fasse au détriment des heures d’enseignement général, pourtant essentielles pour les élèves du lycée professionnel qui sont nombreux à connaître des difficultés scolaires. Selon un test de positionnement réalisé en septembre 2021, seuls trois élèves sur dix arrivant en seconde professionnelle avaient une maîtrise au moins satisfaisante des mathématiques, contre plus de huit sur dix en seconde générale et technologique.
Grogne syndicale
« Nos élèves n’ont pas besoin de plus d’entreprise, cinglait Pascal Vivier, secrétaire général du SNETAA-FO lors de sa conférence de presse de rentrée le 2 septembre. Ils ont besoin de plus d’enseignement général, de culture, d’accès aux bibliothèques qu’ils n’ont pas à la maison. » « Il n’y aura pas du fait de l’augmentation de la durée des stages une diminution des heures d’enseignement généraux dans les lycées pros », répond-on à l’Élysée, où on assure que des « concertations locales » permettront aux équipes pédagogiques de chaque établissement de « trouver l’organisation qui corresponde le mieux à leurs besoins ». Relativement flou. Et loin d’être suffisant pour rassurer les syndicats de l’enseignement pro qui ont signé un communiqué commun le 6 septembre, s’inquiétant d’une « menace forte » pour l’avenir des lycées professionnels. Même le SNETAA, généralement plus tempéré, a rejoint l’intersyndicale.
Autre crainte : que le développement de l’apprentissage se fasse au détriment des lycées professionnels. Et que les nouvelles cartes de formation viennent répondre aux besoins à court terme des entreprises, sans se soucier suffisamment des élèves. « Le ministère préfère répondre aux besoins immédiats et locaux de certaines entreprises et il abandonne l’ambition scolaire pour 650 000 jeunes », s’est ému Sigrid Gérardin, secrétaire générale du SNUEP-FSU, le 30 août dernier. Ravivant le vieux débat sur la mission du lycée professionnel, entre préparation des jeunes à l’emploi et formation de futurs citoyens dotés d’un socle minimum de connaissances.
Mais surtout, de manière plus prosaïque, pour augmenter les temps passés en entreprise, encore faut-il que celles-ci soient prêtes à jouer le jeu et accueillir les élèves. Or, « pour les élèves en difficulté, l’apprentissage n’a pas pris, soupirait Pascal Vivier le 2 septembre. Les entreprises ne veulent plus de nos élèves. » « Il faut que les entreprises s’impliquent dans les lycées professionnels », insiste-t-on à l’Élysée. Avec la volonté affichée de réindustrialiser le pays et de renforcer la souveraineté énergétique, une véritable réflexion politique sur les filières d’avenir, à long terme, apparaît nécessaire.
Un déplacement qui fait débat
Dans ce contexte, le déplacement d’Emmanuel Macron au lycée Éric Tabarly des Sables d’Olonne risque d’être particulièrement scruté. Une source syndicale promet un « comité d’accueil ». Représentant du SNETAA dans le lycée, Xavier Mauléon dénonce lui une « opération de communication » et un déplacement « formaté » pour lequel les enseignants de l’établissement n’auraient pas été suffisamment associés. Ce professeur de lettres et histoire assure qu’ « une dizaine de ses collègues » sont prêts à « marquer le coup » et envisagent de se mettre en débrayage. « Il y a un appel au rassemblement devant le lycée pour des personnels qui ne seraient pas au travail mais on ne s’attend pas à un raz de marée », nuance-t-on au sein de la FSU Vendée.
Si au cours de ses interventions ce mardi le chef de l’État ne devrait pas rentrer dans les détails techniques des transformations, l’Élysée promet une « présentation cadre de ce qu’est la réforme de la voie pro ». Le reste devrait se préciser dans le cadre du CNR. « Le ministre de l’Éducation va prochainement faire des annonces sur la manière dont va s’engager le CNR thématique sur l’école », indique l’Élysée. Les discussions – si elles ont bien lieu – promettent d’être agitées.