Geoffroy de Vitry, ancien directeur de cabinet au ministère du travail, a été nommé Haut-Commissaire à l’enseignement et la formation professionnels. Avec les mêmes prérogatives que l’ex-ministère délégué qu’occupait la regrettable et future-ex députée C. Grandjean, il a reçu le SNETAA dans une prise de contact franche, cordiale, en souhaitant qu’elle annonce d’autres perspectives que celles gribouillées par la réforme délétère. Avec ses conseillers, il a reçu le SNETAA ce mardi 26 mars.
Si le SNETAA l’a d’abord félicité pour sa nomination, nous lui avons souhaité bonne chance tellement le terrain a été dévasté par une réforme coûteuse (1 milliard d’euros), injuste tant pour les personnels que pour les élèves, absurde pour les entreprises en mal de main d’œuvre, vouée à l’échec car l’objectif de réindustrialisation du pays confronté à un déficit commercial abyssal n’a pas été défini.
Alors, pour débuter cette audience, nous avons exposé notre opposition sans faille à la reforme de l’enseignement professionnel qui ne permettra ni une orientation positive des élèves de fin de 3e, ni d’éteindre les décrochages scolaires, ni même encore de « reprofessionnaliser » des diplômes pourtant attendus par tout le tissu économique.
Pourtant, tous les textes permettant cette hérésie ont été signés dans la précipitation lors du remaniement du gouvernement par le directeur de la DGESCO. Nous avons demandé au Haut-Commissaire de rendre ce milliard d’euros au ministre de l’économie qui cherche désespérément des économies.
Car si cette réforme ne menait à rien, non seulement nous en serions désolés mais elle serait allée, comble de l’ironie, à l’opposé des attendus que le candidat E. Macron avait fixés lors de sa campagne électorale pour sa deuxième mandature.
Cette gabegie financière amorce des conceptions radicalement folles au sein de l’École :
« payer les élèves pour s’instruire », ce qui mène à des grèves de leur part car ces ineptes gratifications ne leur sont pas versées alors qu’elles étaient promises pour janvier dernier ;
recruter des personnels (« chargés de BDE ») qui, pour la majorité d’entre-eux, manifestent déjà leur volonté de ne pas reconduire leur contrat ;
abandon d’une réflexion qui aurait dû lancer une campagne de création de nouveaux diplômes quand, dans le même temps, France Compétences labellise par dizaine de milliers des diplômes et qualifications professionnelles d’entreprises, au profit d’organismes tout autant florissants que pouvaient l’être jadis les écoles de commerce aux titres ronflants mais profitant d’une manne de l’État pourtant ruiné ;
fermeture ou transformation de 15 % des formations actuelles sans aucune étude de prospective ou de plus-value ;
aucun travail réel autant sur les programmes (enseignements généraux) que des référentiels (compétences professionnelles) ;
étranglement de toutes les pédagogies sans lesquelles les élèves ne peuvent se raccrocher à l’École ou à un avenir alléchant, comme les pédagogies spécifiques en lycée pro, fin de la concertation sur le temps de travail pour établir librement des séquences pédagogiques, fin de la réflexion sur le projet d’établissement des lycées professionnels, sur leur situation dans le tissu économique national et local ;
aucune mise en place d’un lieu de discussion ou de négociation entre l’École et les entreprises.
Les textes sont donc signés et il est toujours temps de se rendre compte que le gouvernement va droit dans le mur. C’est son choix ! Le nôtre sera d’intensifier partout les combats à venir contre une refonte aveugle des cartes de formation, de maintenir l’emploi et la carrière des PLP qui vivront des moments difficiles, de vouloir émanciper tous les jeunes et en premier lieu ceux qui sont les plus dévalorisés.
Professeurs, chercheurs, politiques font leurs choux gras des « groupes de niveaux en 6e et 5e » et ils ont raison ! Mais cela fait longtemps que nous subissons le tri social : l’orientation des élèves de fin de 3e où on rejette tous les enfants à qui l’École n’a pas réussi à transmettre l’essentiel en lycée professionnel. Et pour faire du lycée professionnel, le lieu d’avenir, de l’émancipation, de l’accession à un avenir prometteur, à des diplômes reconnus par les employeurs, il faut changer de paradigme. C’est tout le contraire que feu le ministère délégué a l’enseignement professionnel a initié.
Les professeurs de lycée professionnel, les personnels et surtout les élèves vont avoir du mal à s’en remettre. Sauf si le nouveau Haut-Commissaire a la volonté contraire de réussir une réforme dans l’objectif clair de forger les perspectives de réindustrialisation de la France, d’une jeunesse émancipée, pleinement citoyenne pouvant participer à la réussite économique de notre pays.
Au SNETAA, nous savons qui et quoi nous défendons car nos valeurs sont solides.
Au Haut-Commissaire de dire à la profession comme aux élèves son ambition et ses marges d’action.