De mémoire de ToutEduc, aucun appel à la grève n’a eu l’ampleur de celui du 18 octobre pour les lycées professionnels, hors celui du 13 janvier contre Jean-Michel Blanquer et qui rassemblait tout le système scolaire. C’est sans doute ce jour-là que le président a décidé que son ministre de l’Education nationale, pourtant si longtemps objet de toutes les attentions élyséennes, ne serait pas reconduit. Aujourd’hui, tous les syndicats du public et la quasi totalité des syndicats du privé sous contrat appellent à la grève contre la réforme de l’enseignement professionnel, voulue et pilotée par le président, sans autre fusible que Carole Grandjean.
« Les enseignants s’opposent systématiquement à toutes les réformes », font valoir les politiques lorsque leurs projets sont contestés.Mais les enseignants sont comme les policiers, les notaires, les pharmaciens ou tout autre corps professionnel, inquiets lorsque leur vie quotidienne va être bousculée sans qu’ils l’aient choisi, surtout sans qu’ils n’en comprennent ni les modalités ni les raisons. Pour l’heure, un seul élément de cette réforme systémique est connu, l’augmentation du temps passé en entreprise. Et encore, est-ce bien de 50 % ? dès la seconde ou la 1ère année de CAP ? Mais rien sur les entreprises. Ont-elles les moyens, et l’envie, d’accueillir tous ces stagiaires supplémentaires ? Rien sur sur les enseignements. Lesquels seront impactés ? Rien sur les enseignants. Certains devront-ils se reconvertir ? Qui pourrait rester serein devant tant d’interrogations ?
Cette réforme est fondée sur une idée, le temps passé en entreprise est gage de meilleure insertion professionnelle. Effectivement, les apprentis trouvent plus facilement un emploi, une fois leur diplôme obtenu, que les lycéens, mais ils ont été sélectionnés sur le marché du travail avant leur entrée en apprentissage. D’autre part, les statistiques leur sont favorables à 6 mois ou même à 7 ans, mais sur le long terme, il semble bien que les anciens lycéens soient mieux armés pour s’adapter aux évolutions technologiques. Enfin, l’ensemble des personnels de l’Education nationale, au-delà des PLP, entend un discours sous-jacent, l’Entreprise serait davantage formatrice que l’Ecole. En admettant que ce soit avéré pour les gestes professionnels, ce qui est loin d’être le cas, est-ce à l’entreprise de veiller à l’acquisition du socle commun, d’une culture citoyenne émancipatrice ? Bien sûr, les lycées et leurs enseignements généraux comme professionnels ne vont pas disparaître tandis que les CFA continueront de préparer les apprentis à passer CAP et bac pro avec leurs épreuves de français, de maths, d’histoire-géo… Mais le germe de la suspicion est là, le président de la République défend-il une école creuset de la République ? Déjà, la réforme du lycée d’enseignement général a fait la part belle aux enseignements de spécialité aux dépens du tronc commun, à ce qui distingue aux dépens de ce qui réunit.