Pourquoi le syndicat continue résolument à combattre la réforme Grandjean des lycées professionnels ? Parce qu’elle est dangereusement bricolée, sans ligne directrice qui soit bénéfique à la fois aux jeunes et aux secteurs en mal de professionnels qualifiés. Cette réforme n’est fondée sur aucune analyse sérieuse, aucun diagnostic partagé. Elle est, en plus, d’une absurdité coûteuse pour le pays.
C’est même une insulte pour l’avenir : 1 milliard d’euros dépensé inutilement qui hypothèque l’avenir de l’enseignement professionnel sous statut scolaire. On aura beau le dénoncer, étayer nos revendications, les PLP devront encore contrer le mensonge : « C’est de votre faute ! On a mis 1 milliard d’euros sur la table et vous avez échoué dans votre mission. Nous avons tout essayé, il est donc temps d’abandonner l’enseignement professionnel… Soit on le cède aux entreprises de formation (prêtes à récolter cette manne financière), soit on le régionalise (une tentation transpolitique déjà esquissée) ! »
Alors le SNETAA, malgré les vents contraires mais avec la force de l’avenir, se battra pas à pas pour stopper ce destin funeste.
Il faut du courage : que l’État récupère ce milliard d’euros ! Car très vite, il servira de prétexte à toutes les accusations face à un échec annoncé. L’échec de construire une voie royale pour les jeunes, l’échec d’émanciper une jeunesse « libre en conscience » encore marginalisée, invisibilisée et rejetée par un système qui ne parvient plus à offrir un socle commun culturel à tous les enfants de 14 ans. Mais aussi, l’échec de la réindustrialisation du pays par manque de personnels hautement qualifiés, réclamés pourtant par les entreprises. Pour nous, professeurs de lycée professionnel, cela signifie également l’échec de recouvrer sens et dignité dans notre métier.
Mais il y a encore de l’espoir.
D’abord, celui de revoir un ministère dédié à l’enseignement professionnel au sein de l’Éducation nationale. Si l’on considère que, comme en Suisse, en Allemagne, au Benelux, en Scandinavie, c’est la forte qualification des élèves qui fait la richesse économique d’un pays, ce ministère est d’une nécessité urgente. En 2022, le SNETAA a œuvré pour sa renaissance. Si ce ministère n’a été qu’une façade pour dissimuler la démolition de l’enseignement professionnel (réforme Grandjean), tout dépendra désormais de ce que notre nouveau ministre, Alexandre Portier, en fera.
Les entreprises, à leur corps défendant, participent également à notre espoir car elles manquent cruellement de main-d’œuvre qualifiée. Elles seront de facto nos alliées (elles accueillent déjà nos élèves pour 20 semaines de PFMP) à condition qu’elles ne soient pas incitées à jeter l’éponge. Pour un pays qui se veut fort dans un monde global et qui veut construire un avenir pour tous, il est nécessaire de rehausser la qualification des futurs salariés. Pour cela, les entreprises devront offrir des salaires à la hauteur des qualifications, et surtout, établir de véritables perspectives de carrière. Chaque métier doit désormais s’ouvrir à des parcours évolutifs et ambitieux, avec des grilles de salaires favorables, plutôt qu’un cul-de-sac comme c’est souvent le cas aujourd’hui. À l’exception de l’industrie et de l’armée, peu de secteurs professionnels offrent encore des possibilités d’évolution en fonction des formations, des expériences acquises et de l’ancienneté. Il est possible de progresser, d’ouvrier à ouvrier spécialisé, de contremaître à assistant ingénieur, jusqu’à des postes de direction. Toutes les branches professionnelles doivent repenser les carrières pour TOUS les métiers, même ceux que l’on croit figés, si elles veulent attirer et retenir des talents. Elles y seront contraintes pour leur propre survie mais aussi si les politiques portent cette ambition pour les travailleurs.
Le chantier est immense. Il peut donner le vertige à quiconque s’attelle sincèrement à notre secteur – sans en faire une rente de situation, comme ces rares experts autoproclamés qui, plus que de transformer l’enseignement professionnel, ont réussi à nourrir leurs propres ambitions. Mais il faut de l’audace pour relever ce défi colossal, résister aux nombreux lobbys extérieurs comme intérieurs à l’École, et renverser la table pour réenchanter notre métier.
Cela ne peut se faire que par un diagnostic partagé sur les réussites et les failles de l’enseignement professionnel sous statut scolaire. C’est la base indispensable de tout projet ambitieux.
Le projet porté par le SNETAA est-il si éloigné de la réalité des collègues dans les établissements ? Bien au contraire ! Lutter contre les assignations sociales, contre la perte de sens de notre métier, contre les violences faites aux enseignants, contre les attaques à la laïcité et redonner espoir à l’École en offrant une solide culture générale à chaque élève, en promettant un avenir meilleur, en obtenant des augmentations de salaire à la hauteur de notre mission, alors nous ne devons compter que sur nous-mêmes !
Les PLP sont des fonctionnaires qualifiés, innovants par leur pédagogie spécifique, proches du monde économique comme aucun autre corps d’enseignants. Ils relèvent le défi de jeunes souvent rejetés (plutôt qu’orientés). Fidèle à nos valeurs historiques, à nos mandats et à notre représentativité, le SNETAA poursuit le combat pour transformer les perspectives, les nôtres comme celles de la jeunesse de notre pays.
C’est avec force que nous porterons ce mandat auprès de notre nouveau ministre délégué, qui a d’ores et déjà fait le choix de nous recevoir.
« La résolution, le courage et la fidélité !* » : c’est la feuille de route du SNETAA, engagé pour poursuivre le combat en faveur des PLP, des CPE et de tous les personnels de l’enseignement professionnel. Pour gagner, ensemble !
*Léon Blum