La réouverture progressive des écoles et des établissements scolaires à partir du 11 mai 2020 soulève des interrogations voire une peur légitimes. La crainte d’une contamination par le covid-19 est dans tous les esprits que l’on soit parent, élève ou personnel. Le SNETAA-FO, premier syndicat de l’enseignement professionnel, n’a de cesse d’œuvrer pour la défense des intérêts moraux et matériels de ses adhérents et il s’est exprimé de manière tranchée : pas de négociation sur les garanties sanitaires. Mais à l’heure où certains tentent de tenir des réunions pour mettre en place le protocole d’ouverture, les questions du terrain affluent. Il en est une qui fait couler beaucoup d’encre : puis-je exercer mon droit de retrait ?
Celui-ci se fonde sur le décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique. Il prévoit que tout agent « alerte immédiatement l‘autorité administrative compétente de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation ». On le voit, il se décompose en deux moments différents mais qui peuvent être concomitants, la procédure d’alerte et l’exercice du droit de retrait.
La procédure d’alerte s’adresse au recteur ou son représentant, le chef d’établissement. Dans un premier temps, elle peut prendre n’importe quelle forme, orale ou écrite, puis il faut impérativement l’inscrire au registre de signalement de danger grave et imminent (RDGI) de l’établissement. Chaque EPLE doit en mettre un à disposition des agents, l’endroit où il se situe doit être clairement signalé. Avant même d’alerter, si cela est possible, il convient de contacter le représentant du SNETAA-FO, formé à ces procédures, qui pourra vous aider à évaluer la situation et à prendre une décision. Il peut même intervenir et signer avec vous le registre RDGI, ou le faire signer par un membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Cette procédure d’alerte doit amener une enquête avec le CHSCT pour en connaître les causes et une réponse rapide de l’employeur qui doit mettre un terme au danger.
Le droit de retrait peut s’exercer à la suite de l’alerte, mais il n’est en aucun cas une obligation. Plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies pour que son exercice soit reconnu comme valide. La présence d’un danger grave doit être réelle, elle s’entend comme « susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée ». Un danger imminent est « susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché ». Il ne doit donc pas être déjà survenu mais cela n’exclut pas que le danger puisse avoir des conséquences futures, comme un « risque à effet différé ». Ces deux conditions doivent s’apprécier de bonne foi face à la situation, dans le concret de celle-ci, de manière personnelle et subjective ; c’est ce qui constitue le motif raisonnable et crédible.
Enfin, le retrait ne doit pas avoir pour conséquence de placer quelqu’un d’autre dans une situation de danger grave et imminent, que ce soit face à la même situation ou une nouvelle, née du fait du retrait. En d’autres termes, il n’est pas question de quitter la classe en laissant les élèves seuls.
À quelles conséquences doit-on s’attendre ? Celles-ci peuvent ne pas être anodines. Soit, après l’enquête qui devrait avoir lieu, l’administration reconnaît l’existence du danger, accepte le droit de retrait et alors « aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise ». Soit elle ne le reconnaît pas et un 1/30ème du salaire risque d’être prélevé. À cela peuvent venir s’ajouter d’éventuelles sanctions, si la mauvaise foi dans l’évaluation du motif raisonnable est prouvée ou s’il n’y a pas de reprise du travail malgré la fin du danger.
Vous l’aurez donc compris, le droit de retrait n’est pas un droit absolu mais relatif et bien cadré. qui ne peut s’envisager a priori. Mais il n’en reste pas moins un droit dont il convient d’user si nécessaire, de manière réfléchie, mesurée et surtout en lien avec le SNETAA-FO.
Quid de la reprise du mois de juin ? Le rôle du SNETAA-FO et de sa fédération à travers le dialogue social, dans les différentes instances et à tous les niveaux, est de porter les mandats et de faire en sorte que les règles sanitaires soient respectées. C’est aussi l’engagement pris par le ministre face aux représentants de la Nation. Le protocole mis en place constitue la réglementation d’exception adoptée par le ministère pour répondre à la situation, quoi que l’on en pense. Si on peut s’y opposer, le moment venu, il faudra s’y conformer et veiller à l’appliquer sous peine d’engager sa responsabilité. Par conséquent, la première des choses à faire est de prendre connaissance de celui-ci de manière approfondie, ainsi que du plan de reprise de l’établissement qui ne doit en aucun cas déroger aux règles prévues par le protocole. Ensuite, il s’agira d’apprécier in concreto la situation, d’échanger sur celle-ci, d’avertir le chef d’établissement ainsi que le représentant du SNETAA-FO si un élément venait à manquer ou une mesure à dysfonctionner. Et si rien n’était fait pour y remédier, alors il conviendrait d’envisager une procédure d’alerte officielle.
En tout état de cause, alors que la reprise n’est encore qu’une hypothèse, le meilleur conseil que nous pouvons vous donner est de faire preuve de bon sens, de recul même si le moment ne s’y prête pas. Pour le reste, vous pouvez compter sur le SNETAA-FO et sur l’engagement de ses militants qui vous accompagnent tout au long de cette période d’incertitude.