Par Christel Brigaudeau ©. Le 3 novembre 2020 à 21h44, modifié le 4 novembre 2020 à 09h09.
L’emploi du temps de Noé ( le prénom a été changé ) est devenu aussi léger qu’une feuille d’automne. Cet élève de 3 e, scolarisé au collège Frédéric-Mistral d’Avignon (Vaucluse), n’a plus cours que la moitié de la semaine. La décision a été prise ce lundi, dans cet établissement de centre-ville, de sorte à éviter les attroupements d’enfants en pleine deuxième vague de l’ épidémie de Covid-19. « Cette semaine, il a cours mercredi, jeudi et vendredi, et la semaine prochaine, ce sera lundi et mardi, explique le père de l’adolescent. Ses professeurs lui ont donné des devoirs à faire à la maison. »
Cette organisation « hybride » sera-t-elle bientôt la norme? Pour l’heure, l’hypothèse ne rencontre pas un enthousiasme débordant dans la hiérarchie de l’Education nationale. « On ne l’encourage pas, mais ceux qui le souhaitent peuvent le faire » affirmait le ministre, Jean-Michel Blanquer, dimanche, dans un entretien au Parisien.
Grèves, blocus et droits de retrait
De nombreux enseignants et chefs d’établissements, abasourdis de continuer à accueillir 100 % de leurs effectifs en plein reconfinement, réclament un changement de pied du ministère. Depuis lundi, les mouvements de colère se multiplient : droits de retrait, débrayages, grèves…
« On nous demande de faire la rentrée comme si de rien n’était, avec un protocole dans lequel tout est soumis au si possible. Or, dans un collège de 630 élèves construit pour 400, rien n’est tellement possible », tacle Pierre Millet, professeur (syndiqué au Snes) au collège Delaume de Bobigny (Seine-Saint-Denis), bloqué ce mardi. Dans le primaire, une intersyndicale d’enseignants a lancé une « alerte sociale », coup de semonce avant une éventuelle grève.
Le ministère a bien publié, lundi, un protocole sanitaire « renforcé » qui demande aux écoles, collèges et lycées un nettoyage et une aération plus fréquents des locaux, ainsi que « la limitation du brassage des élèves entre groupes différents ». Le document de 8 pages renvoie à chaque établissement la responsabilité d’organiser ce non-brassage, qui devra être effectif lundi 9 novembre. C’est le grand retour des sens de circulation dans les couloirs et des récréations échelonnées.
«La guerre des masques»
« On va décaler d’une demi-heure les horaires de la moitié de nos élèves : au lieu d’être 1 200 à aller en cours ou à la cantine, ils seront deux fois 600. Cela va diminuer le flux, et on continue de mettre du gel partout et faire la guerre des masques aux élèves », raconte Nicole Ozeray, proviseure du lycée Alfred-Nobel de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), qui redoute les effets dévastateurs d’un nouveau confinement scolaire pour ses élèves, fragiles socialement.
Mais ces ajustements, dans d’autres endroits, sont jugés soit impossibles, soit insuffisants. « Pour respecter la distance entre les élèves à la cantine, il faudrait commencer le service à 10h30… Un peu tôt pour le déjeuner, non? » relève Lysiane Gervais, proviseure du lycée Cousteau de Saint-André-de-Cubzac (Gironde), et membre du syndicat SNPDEN-Unsa. Et de plaider pour « une décision nationale » sur le passage des classes en demi-groupe, et « un allègement des programmes scolaires ».
Eviter la fermeture complète
« Mieux vaut organiser maintenant des cours une semaine sur deux plutôt que se retrouver dans quinze jours à fermer complètement les lycées », ajoute Élodie Durieu, professeur au lycée Newton de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine) qui, ce mardi, a décidé avec ses collègues d’exercer son droit de retrait.
S’il stipule d’emblée que « le principe est celui d’un accueil de tous les élèves, à tous les niveaux et sur l’ensemble du temps scolaire », le protocole sanitaire laisse une marge aux établissements : « Si la situation sanitaire locale le justifie ou si un établissement au regard de sa taille et de son organisation n’est pas en mesure de respecter les règles posées par le présent protocole, un enseignement à distance pourra être partiellement mis en œuvre, avec l’accord et l’appui du rectorat », lit-on page 6.
Mais sur le terrain, l’affaire semble un peu plus compliquée. Au lycée Antoine-Bourdelle de Montauban (Tarn-et-Garonne), par exemple, grosse cité scolaire de 2 800 élèves, l’équipe a demandé le passage en demi-groupes, « mais le rectorat le refuse pour l’instant », affirme Dominique Lafargue, professeur dans l’établissement. Dans les lycées professionnels (LP), « les demi-groupes sont en train de se mettre en place un peu partout, mais en interne : la hiérarchie n’est pas forcément informée », indique Pascal Vivier, le porte-parole du principal syndicat des professeurs de LP (SNETAA-FO).
A Bordeaux (Gironde), le lycée Montesquieu avait prévu une organisation hybride pour la rentrée… mais le directeur académique lui a demandé de « travailler d’abord sur un projet : rien ne m’avait été présenté en amont », assure François Coux, pour qui les demi-groupes ne sauraient être déployés qu’à dose homéopathique. Sur son bureau, trois demandes sont examinées en ce moment.
Au rectorat de Versailles, la plus grosse académie de France, « aucun accord n’a été donné à ce stade » aux « quelques projets » qui ont été présentés.