Mes cher·e·s collègues,
Écrire que la situation est « inédite » est devenu un euphémisme.
Le confinement nous amène tous à surréagir, à trancher dans l’immédiat quand « l’immédiateté » n’a jamais été bonne conseillère ; elle est la cousine de la colère et de la panique.
Il faut dire que les communications gouvernementales sont exécrables quand les dirigeants de nos pays se prennent les pieds dans le tapis disant une chose, son contraire le lendemain, quand ce n’est pas deux heures après…
Il y a une forme de manipulation de masse qui ressemble à une propagande parfois insupportable. C’est aussi le poids des médias qui, en continu, ont besoin de faire leurs choux gras de nos questionnements, de nos angoisses, de nos colères, de nos peurs.
Alors quoi ?
C’est le bazar ! Le bordel ! De Gaulle aurait dit : « Quelle chienlit ! ». À ce propos – et avant que je ne me fasse taxer de gaulliste qui me semble d’ailleurs plus acceptable que pétainiste – j’ai réécouté le discours du président De Gaulle du 30 mai 1968 alors que le pays était à l’arrêt. Bien sûr, comparaison n’est pas raison. Toutefois, et quoi que l’historien avec son recul puisse en penser, je n’ai qu’un élément à souligner : le discours du président De Gaulle du 30 mai 1968 a duré 4 minutes et 33 secondes quand le discours du président Macron (du 13 avril) a duré 27 minutes…
Le défilement journalier du nombre de morts, du nombre de personnes hospitalisées, les informations qui tournent en boucle sur toutes les chaînes d’info, l’incohérence des décisions, des communications – quand elles ne sont pas méprisantes (discours de la porte-parole du gouvernement sur les enseignants) – est une charge anxiogène dont on ne mesure même pas les dégâts. Les dégâts sont énormes !
Déconnectons-nous ! Nous avons droit à la déconnexion tant numérique qu’à l’égard des informations qui tournent en boucle jusqu’à nous faire devenir chèvres.
L’appréhension des événements, dans ce moment terrible, passe obligatoirement par le prisme de la peur, de la colère, de l’incompréhension. Comment cela pourrait-il en être autrement ?
Il a fallu se battre pour prouver à l’opinion, comme auprès de tous nos chefs, plus ou moins grands, que les profs travaillaient doublement avec leurs propres outils, leurs propres moyens, sans formation, sans préparation.
Certains d’entre nous ont développé des trésors d’ingéniosité avec un engouement qui doit faire la fierté de tous les PLP. Et ce, sans culpabiliser celui ou celle qui ne sait pas faire ! On fait selon ses moyens et personne ne doit se sentir coupable de quoi que ce soit ! Personne. Le SNETAA-FO y veille farouchement.
Depuis lundi, la question est devenue binaire : reprendre le 11 mai ou ne pas reprendre le chemin du lycée, de l’EREA, de la SEGPA ? Chacun y va de son avis, de sa colère légitime, de ses craintes et, bien sûr dans l’immédiateté. Le mandat du SNETAA est clair : aucune reprise à quelque date que cela soit tant que toutes les garanties sanitaires ne seront pas assurées pour les professeurs, les enfants, leurs familles ! Notre santé n’est pas négociable.
Le ministre a cette obligation : assurer toutes les garanties sanitaires.
Il promet un plan détaillé sous quinzaine. Nous serons vigilants, point par point, sans se transformer en épidémiologistes qui défouraillent pour leur propre chapelle pour, au final, avouer qu’on ne sait pas grand-chose ni des tests, ni des masques, ni de l’immunité sauf que « ce virus est une vacherie ! ». Ça, on l’avait tous bien compris !
J’ai aussi une pensée toute particulière pour tous les collègues qui n’en peuvent plus du confinement, pour eux, pour leurs enfants, pour leur santé mentale. Une collègue me disait (et elle n’est pas la seule) : « Je n’en peux plus ! (elle pleurait) Le travail, c’est la santé (…) », ce à quoi j’ai rappelé toutes les garanties que nous exigions pour assurer la meilleure santé pour tous les travailleurs quand nous revendiquons quasiment dans le vide une santé de prévention pour tous les professeurs depuis des décennies… dans le vide ! Et pourtant, nous voyons aujourd’hui l’urgence d’obtenir cette médecine de prévention pour les fonctionnaires que nous sommes.
Cette « affaire du 11 mai » est devenue quasi hystérique. Il ne peut pas en être autrement : «la France a peur ». On peut toujours m’interroger pour savoir « si je suis soulagé »… je ne suis pas maître des questions des journalistes dans un pays où la presse est libre et je ne suis soulagé de rien : ni de constater la souffrance de tant de collègues qui ne supportent plus le confinement, ni de porter la colère des collègues qui ne veulent pas risquer leur vie, ni des angoisses fortes que nous subissons dans cette situation qui confine nos libertés individuelles et collectives et, j’allais dire, nos libertés de penser.
C’est encore long un mois de confinement pour nous, pour les enfants, pour les familles… Des garanties doivent être données aux professeurs. Pour l’heure, nous n’en avons aucune.
Ce confinement révèle une fracture sociale. Qui avait besoin de cela pour la découvrir ? Nous connaissons nos élèves, leurs familles et toutes les difficultés auxquelles chaque jour nous faisons face.
Des décrocheurs ? Quel PLP ne savait pas que c’est sur les jeunes les plus en difficulté que le décrochage est le plus fort ?
Alors, oui, nous avons des décrocheurs mais nous avons aussi de formidables élèves qui réussissent, qui s’accrochent et qui nous motivent malgré des conditions de travail détériorées depuis plus de 20 ans pour aller chaque jour au travail. Et je pense à toutes celles et tous ceux qui vont au travail la boule au ventre.
Nos réussites sont grandes ! Un grand nombre de nos collègues PLP sont issus de l’enseignement professionnel. À chaque fois que j’ai la chance d’en rencontrer un·e (et cela m’arrive chaque semaine), ça me rend encore plus fier d’être PLP ! Tout comme je suis fier quand je vois la caissière de ma supérette, mon boulanger, le conducteur routier qui m’apporte mes colis, les aides-soignantes et infirmières qui nous prennent en charge dans nos hôpitaux, tous ces travailleurs qui sont aujourd’hui visibles quand ils étaient méprisés tant dans leur travail que dans leurs conditions salariales. Qui les a formés à tous ces métiers ? Des PLP conducteurs routiers ! Des PLP STMS, STBS, qui forment à la PSE, au bac pro ASSP et font devenir nos élèves agents de salle dans les hôpitaux, aides-soignantes, infirmières ! Nos PLP boulangerie, nos PLP vente… mais aussi tous les PLP d’enseignements généraux. Je ne peux les nommer tous. Ils sont notre fierté et, « la nation reconnaissante » doit considérer ces travailleurs et toutes celles et tous ceux qui ont réussi à les mettre sur des rails : oui, les professeurs de lycée professionnel !
Nous devons être fiers de ce que nous réussissons quand les moyens mis à notre disposition relèvent souvent de l’incurie, d’une indigence matérielle exécrable.
Je pense à tous ces travailleurs qui, chaque jour, nous permettent de vivre cet infernal confinement.
Vous pouvez être fiers du SNETAA. Tous les militants, qu’ils soient locaux, académiques, nationaux vous répondent et assurent à tous soutien, solidarité, défense avec une efficacité inégalable.
Parfois, je suis tenté, moi aussi, de me livrer à des raisonnements binaires : qu’en serait-il des PLP sans les syndicats ? Sans le SNETAA ? Notre statut n’a pas été touché quand les ordonnances dénoncées par notre confédération ont été prises contre les travailleurs du privé. Le calendrier scolaire n’a pas été touché : ni petites vacances ni vacances d’été. Il faudra leur dire à toutes celles et tous ceux qui ne cessent de cracher sur le SNETAA : c’est grâce à vous, adhérents, militants que l’on doit cette efficacité. Par notre vigilance. Par nos combats. Par notre énergie déployée.
En ces temps si particuliers, je pense aussi à tous vos militants SNETAA. Votre responsable d’établissement (S1), votre secrétaire départemental (S2) et votre secrétaire académique (S3). Ils sont, comme le secrétariat national, comme vous, confinés, avec leur famille, parfois leur solitude, dans un chambardement de toutes leurs pratiques, avec leurs difficultés, leurs angoisses, leurs colères. À elles toutes, à eux tous, je dis MERCI. Ils sont à votre service. Nous sommes, à tous les niveaux de responsabilité, à votre service, pour vous. Avec une singularité : défendre vos intérêts – TOUS – et promouvoir l’enseignement professionnel initial, public et laïque.
Je pense à toutes les personnes adhérentes très durement touchées par le COVID, en particulier dans le Grand-Est, en Île-de-France mais aussi dans d’autres régions. En votre nom, je leur envoie des messages de soutien comme nous le ferions pour quelqu’un de notre famille. Je pense à tous nos collègues dans une immense solitude ; rapprochons nous d’eux ! Je pense à toutes celles et ceux qui doublent leur journée de travail. Ce confinement prolongé de semaine en semaine sans garantie risque d’amener un grand nombre de personnes à « décompenser ». Nous devons entendre leur souffrance et être là, avec eux, pour eux.
Nous sommes une famille, des Camarades unis dans l’adversité.
Cette lettre d’information spéciale vous permettra d’obtenir des indications sur la passation des diplômes (bac pro, BTS, CAP, BEP, DMA, MC, DNB pro, CFG…), de constater que nous redoublons nos interventions en tous lieux pour porter votre voix et les seuls mandats du SNETAA-FO, de sa fédération, la FNEC-FP-FO, de sa confédération Force Ouvrière. Elle vous donnera des réponses juridiques, des pistes de réflexion pédagogique, des conseils « psy ». Est-ce le rôle du syndicat ? C’est notre rôle de répondre aux attentes de nos adhérent·e·s, d’exiger des réponses efficaces, d’obtenir satisfaction de nos revendications.
Ni syndicalisme de refus ni syndicalisme d’accompagnement. Un syndicalisme revendicatif, responsable, efficace, majoritaire ! Le SNETAA, c’est votre outil et c’est la force des PLP, des CPE, des professeurs contractuels, de tous les personnels dans nos établissements.
N’hésitez pas à nous joindre, à nous écrire, à dire, à revendiquer. C’est un syndicat vivant qui prône la démocratie, qui est attachée à la République, à la liberté, à la fraternité, à la Laïcité qui est notre ciment.
Je suis fier d’être PLP. Je suis fier du SNETAA qui ne dévie pas en fonction des circonstances ou des crises. C’est votre outil, votre force.
Courage à toutes et tous ! Vous pouvez compter sur le SNETAA-FO !
Encore une fois, nous gagnerons pour la vie, la paix, la liberté retrouvée et des conditions de travail dignes !