©TOUTEDUC | Paru dans Scolaire, Orientation le mercredi 15 juin 2022.
« Loin des radars du débat public, le lycée (professionnel) est devenu un lieu d’enfermement social », écrivent Dylan Ayissi (« Une voie pour tous ») et Guillaume Prévost (Vers le Haut) dans une tribune publiée par Les Echos jeudi dernier 9 juin. Dans le discours prononcé lors du congrès du SNETAA au mois de décembre, le secrétaire général du syndicat des professeurs de lycée professionnel leur répondait par avance en appelant ses mandants à se battre pour sauver les lycées professionnels.
ToutEduc : Qu’est-ce qui, au-delà d’une tribune qui n’engage que ses auteurs, vous fait dire que le lycée professionnel est menacé ?
Pascal Vivier : C’est d’abord le corps des PLP qui est menacé. Nous aurons au mois de décembre des élections professionnelles. Au lieu de voter par corps, les professeurs des écoles, les certifiés, les agrégés…, nous allons voter par grands corps, le 1er degré d’un côté, le second degré de l’autre. Les PLP sont, proportionnellement peu nombreux, quelque 57 000 titulaires, 2 000 personnels de direction, 8 000 contractuels, et ne pèseront pas lourd dans ce « grand corps ». Il faut dire que la Fonction publique a reçu mission de réduire le nombre des corps de fonctionnaires. Pour la GRH de l’Education nationale, nous faisons problème, nous devons 18h comme les certifiés, nous avons la même grille de salaire, mais nous n’avons pas le même statut. Le nôtre est très précis, il prévoit notamment les tâches que nous devons assurer quand nos élèves sont absents, en stage…
ToutEduc : Vous évoquez des difficultés à venir pour le syndicaliste que vous êtes, mais s’agit-il de motifs suffisants pour faire disparaître le corps des PLP ?
Pascal Vivier : Emmanuel Macron a évoqué une nouvelle réforme du lycée professionnel, les élèves feraient 20 semaines de stage. L’année scolaire comporte 36 semaines. Croyez-vous que notre statut restera viable dans ces conditions ? Croyez-vous que nous pourrons résister longtemps alors que, sur les dix dernières années,
l’enseignement professionnel a perdu de 100 000 à 150 000 élèves.
ToutEduc : En fait, c’est le lycée professionnel lui-même qui serait menacé ?
Pascal Vivier : Effectivement. Le mauvais procès qui lui est fait par Dylan Ayissi et Guillaume Prévost, d’assigner à résidence des élèves socialement désavantagés, en masque un autre, celui d’être inefficace. C’est ce que Muriel Pénicaud, quand elle était ministre, n’a cessé de répéter, le LP était responsable des difficultés de l’industrie française et de la non-diplômation des jeunes. Elle misait sur le développement de l’apprentissage, lequel est depuis largement subventionné, comme s’il constituait une panacée… J’ajoute que certains syndicats verraient d’un bon oeil la disparition des LP au sein d’ensembles plus vastes, des lycées polyvalents.
ToutEduc : C’est l’un des schémas possible. Y en a-t-il d’autres ?
Pascal Vivier : Les PLP « enseignement général » sont bivalents, voire tri ou quadri valents, « lettres – histoire – géographie – EMC » par exemple. Certains, constatant que nous avons développé des pédagogies efficaces pour les élèves en difficulté, les verraient bien intervenir en collège, comme les PEGC autrefois, dans des classes spécifiques (comme celles qui existaient avant la réforme Haby, ndlr). Quant aux PLP « enseignement professionnel », les professeurs d’atelier, ils auraient une place toute trouvée comme formateurs dans les CFA (centres de formation des apprentis), devant 1 607 h de cours par an !
ToutEduc : Vous appelez donc vos adhérents au combat…
Pascal Vivier : C’est notre rôle de syndicaliste de faire en sorte « que les PLP soient fiers de leur mission », et que « la nation les reconnaisse à leur juste valeur », y compris au plan pécuniaire. Nous devons sauver le plus petit corps d’enseignants, trop souvent considérés « comme des sous-profs » tandis que la pensée unique aime à
croire que ce n’est pas à l’École d’assurer la formation professionnelle. C’est contre cela que nous devons nous battre, c’est maintenant ou jamais…
Propos recueillis par P Bouchard, relus par P Vivier